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Un vélo, un couteau, et le monde

Photo du rédacteur: Cristiano PereiraCristiano Pereira

De l’Asie aux Amériques, Hippolyte Delcher cuisine au fil des saisons. Cet hiver, il affine son art au Sundog Trading Post, à Yellowknife, avant de reprendre la route.

IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon 



De la route à l’assiette : après des milliers de kilomètres à vélo, Hippolyte s’active en cuisine pour régaler les clients du Sundog. (Photo Cristiano Pereira)


Ces derniers mois, le bouche-à-oreille à Yellowknife a fait circuler une rumeur : de petites merveilles gastronomiques émergent de la cuisine du Sundog Trading Post. Ceux qui s’y aventurent pour gouter aux nouvelles tapas confirment que ce n’est pas un simple bruit qui court – l’engouement est bien fondé. Tout cela nait de l’union de trois grands talents : Julian Alaya, Calvin Rossouw et Hippolyte Delcher. Ce dernier est un Français qui a atterri à Yellowknife en octobre.


Il y a quelques années, Hippolyte travaillait dans une cuisine au Japon. Lorsqu’il a décidé de tourner cette page, il a enfourché un vélo, s’est mis à pédaler et ne s’est arrêté qu’aux montagnes françaises.


Ce cuisinier qui a grandi dans les Alpes n’a jamais envisagé son métier comme une routine. Au contraire, il l’a toujours vu comme un passeport pour l’exploration. Après avoir traversé l’Asie et l’Amérique du Nord à vélo, c’est par une succession de hasards et de rencontres qu’il s’est retrouvé derrière les fourneaux du Sundog Trading Post, où il insuffle son amour du voyage et des produits locaux dans une cuisine inventive et saisonnière.



Comme un voilier


Tout commence en juillet 2024, lorsque Hippolyte arrive au Canada avec son vélo et une ambition singulière : traverser le continent jusqu’à Ushuaïa, en s’arrêtant au gré des saisons pour travailler et financer son périple. « J’ai atterri à Vancouver, j’ai fait du vélo jusqu’à Tuktoyaktuk, puis je suis redescendu en Alaska », raconte-t-il d’un ton tranquille, comme on évoque un chemin emprunté sans hâte, porté par le rythme des paysages.


Cette passion du vélo, il la porte en lui depuis longtemps. « Rouler en voiture sur la Dempster Highway, ça va trop vite et tu es enfermé dans ton truc. En vélo, tu parcours selon ton état physique entre 50 et 200 km par jour. C’est une vitesse parfaite, un peu comme un voilier. Tu te rends compte des distances et, en même temps, ce n’est pas trop long », explique-t-il, décrivant ce sentiment de liberté absolue que procure le voyage à vélo.


Son périple l’a amené à croiser la faune sauvage du Grand Nord canadien. « J’ai rencontré des ours, des grizzlis et des loups. À vélo, tu ne fais pas de bruit, donc tu vois les animaux différemment. C’est quelque chose que tu ne peux pas vivre en voiture », se souvient-il.



Là où la route s’arrête : Hippolyte pose avec son vélo au bord de l’océan Arctique, symbole de son aventure hors du commun. (Courtoisie)


Un détour imprévu


C’est en Alaska qu’Hippolyte fait une rencontre déterminante. Bianca, une Française ayant travaillé au Sundog Trading Post, lui parle du restaurant et du besoin d’un cuisinier pour l’hiver. « À un moment donné, il fallait que je trouve du boulot pour l’hiver, et c’est tombé au bon moment. J’ai fini mon tour à Whitehorse, j’ai laissé mon vélo et toutes mes affaires, et je suis venu ici », explique-t-il.


Le Sundog n’est pas un restaurant comme les autres. Pensé comme un lieu hybride, il propose une cuisine de marché où les influences du monde se mêlent aux ingrédients du Nord. « J’aime bien m’adapter à l’endroit où je suis. Ici, c’est plus compliqué, car il n’y a pas d’agriculture. On peut faire de belles choses avec le poisson du lac, mais la qualité des produits est parfois un défi », confie-t-il.


Le défi, justement, est ce qui le motive. Avec ses collègues, il a élaboré un menu en constante évolution. « On s’était dit qu’on changerait tous les mois, mais, finalement, on change dès qu’on a une nouvelle idée. Si un plat a sa place sur le menu, on l’ajoute. Sinon, on le remplace », explique-t-il. L’objectif est clair : attirer une clientèle locale fidèle, plutôt que de se reposer uniquement sur les touristes.



Hippolyte immortalise son passage du cercle arctique, une étape mythique de son périple à vélo. (Courtoisie)


L’appel du voyage


Si Hippolyte apprécie la vie à Yellowknife et l’esprit détendu de ses habitants, il sait que son passage ici ne sera que temporaire. « Je vais rester au moins jusqu’au printemps, c’est sûr. Après, ça dépend… », dit-il, laissant entendre que la route l’appelle toujours.


Il garde en tête son objectif initial : rallier Ushuaïa en traversant l’Amérique du Sud. Pour lui, la cuisine et le voyage sont deux facettes d’une même aventure. « On apprend surtout sur soi quand on fait ce genre de voyage. Chaque jour, je me demandais : qu’est-ce que je fous là ? Et chaque soir, en me couchant, je me disais : ce que je fais, c’est unique, et je suis fier d’avoir eu le courage de le faire », confie-t-il avec une sincérité brute.


En attendant de repartir, il continue de cuisiner avec passion, entre deux réflexions sur la prochaine destination. Car une chose semble évidente : qu’il soit derrière un comptoir ou derrière un guidon, Hippolyte est avant tout un explorateur.


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