Un renouveau pour les langues autochtones
Un programme d’apprentissage linguistique en immersion contribue à la guérison des peuples autochtones.
Les langues autochtones aux Territoires du Nord-Ouest « dorment » depuis des décennies et essaient de « se réveiller » grâce au Programme mentor-apprenti, une méthode d’apprentissage linguistique par laquelle une personne parlant couramment une langue (le mentor) l’enseigne à un apprenant (l’apprenti) dans un environnement d’immersion. Le programme, lancé en 2019 par le gouvernement, surprend maintenant les responsables.
« Nous pensions qu’il ne s’agissait que d’un programme d’acquisition d’une deuxième langue, mais maintenant on se rend compte que nous contribuons aussi à la santé, au bien être et à la guérison des peuples autochtones », a déclaré Angela James, la directrice du Secrétariat de l’éducation et des langues autochtones du gouvernement des TNO. « Nous ne le savions pas », admet-elle.
« Les participants nous disent qu’il s’agit d’une forme de revitalisation et de réconciliation. Ils supposent aussi qu’ils développent une identité plus forte avec leur culture et se rapprochent de leurs familles, de leurs aînés », ajoute Angela James.
Le responsable du programme s’est entretenu avec L’Aquilon lors du dernier atelier de la saison dans la région de Yellowknife, qui a eu lieu la semaine dernière au Aurora Teepee Lodge, quelques kilomètres sur la route Ingraham. « Ce que nous avons appris ces dernières années, c’est que les participants veulent avoir la formation sur le terrain. C’est pourquoi nous sommes ici. »
Le programme cherche à aider les apprentis à améliorer leur capacité de comprendre et de parler leur langue. « Bien que la lecture et l’écriture soient des compétences importantes, il est essentiel de comprendre et de parler la langue pour bien la maîtriser. Le programme se concentre donc sur la langue parlée », lit-on dans un communiqué du Secrétariat de l’éducation et des langues autochtones.
L’idée est que le mentor et l’apprenti passent beaucoup de temps ensemble, normalement entre sept et dix heures par semaine. L’immersion doit inclure toutes les interactions dans les activités quotidiennes sans avoir recours à l’anglais.
« Le but est de mettre un mentor fluide avec un apprenant engagé et qu’ils passent 200 heures ensemble », explique Angela James. Toutefois, elle souligne qu’il faut bien plus que cela pour que le plan réussisse. « L’apprenti doit aussi passer beaucoup de temps à faire ses devoirs, à se fixer des objectifs, à préparer le plan et à faire des rapports », explique-t-elle.
Pourtant, il ne faut pas s’attendre à des miracles immédiats. « Ils ne parleront pas couramment au bout d’un an, il faut du temps pour apprendre les langues », commente Mme James, révélant que les résultats arrivent « pas à pas ».
La directrice du Secrétariat de l’éducation et des langues autochtones rappelle que le programme s’adresse aux adultes (plus de 18 ans) pendant que les plus jeunes apprennent leurs langues autochtones avec d’autres programmes dans le système scolaire, où « les enseignants sont formés afin d’améliorer l’enseignement des langues ». Les adultes d’aujourd’hui n’ont pas eu cette possibilité. Ils sont, donc, ce que Angela considère « une génération perdue ».
« Il n’y avait aucun programme dans les écoles des TNO pour revitaliser leurs langues », indique-t-elle.
Le Programme mentor-apprenti « se présente pour offrir cette opportunité aux apprenants adultes d’éveiller leur langue ». « Nous venons d’une époque, au XXe siècle, où c’était très dur pour les langues autochtones. Beaucoup de gens ont eu honte et ont été punis pour avoir appris leurs langues au siècle dernier », raconte Angela James.

Priscilla Canadien, « un brillant exemple d’apprentie », et Angela James, directrice du Secrétariat de l’éducation et des langues autochtones. (Crédit photo : Cristiano Pereira)
Assise à son côté, Priscilla Canadien, une apprentie de déné zhatié, secoue la tête en signe de confirmation. Elle avoue qu’elle l’a senti dans sa peau. « Je vivais avec mes parents dans le bois et la langue était présente durant mon enfance », se souvient-elle.
« Mais en grandissant si quelqu’un me disait quelque chose de négatif, tout d’un coup la langue se fermait. »
C’est maintenant, plusieurs années plus tard, que Priscilla commence à retrouver sa langue maternelle. « C’est comme réveiller l’enfant sur moi », confie-t-elle.
Maintenant, Priscilla a l’intention de « partager cela avec mes enfants, la famille et les autres membres de la communauté ».
La directrice du programme applaudit la motivation de Priscilla et dit qu’elle est « un brillant exemple d’apprentie ».
« Ce que font les peuples autochtones, c’est de se rassembler, et ils sont si résilients qu’ils n’ont pas perdu leurs langues, même si au 20e siècle les gouvernements et autres voulaient essayer d’éradiquer les langues autochtones. »
Mais ces langues, souligne Angela, sont toujours là, « ce qui montre la résilience, la force et leur spiritualité ». « Une aînée m’a dit que les langues ne meurent pas, elles s’endorment simplement en attendant que les individus, la communauté et les générations les réveillent », raconte Angela James. Lancé en 2019, le programme « a connu de nombreux défis en cours de route, mais aussi des points de réussite ».
Le programme est ouvert aux apprentis de tous les niveaux, du débutant au locuteur plus expérimenté. Tous les adultes âgés de 18 ans et plus sont admissibles, mais la priorité sera accordée aux demandeurs autochtones qui résident aux Territoires du Nord-Ouest.
Le programme comprend six langues autochtones : inuvialuktun, gwich’in, esclave du Nord (ou déné k’ede), déné zhatié, tłı̨ chǫ et dëne sųłıné. Un communiqué du gouvernement assure que « tant le mentor que l’apprenti sont rémunérés pour le temps qu’ils ont à travailler ensemble, sur la présentation du compte rendu des progrès de l’apprenti dans le cadre du Programme mentor-apprenti ».
Comments