Susciter l’empathie : Paul Tom et son cinéma de l’identité et de l’immigration
De passage à Yellowknife, le réalisateur montréalais a invité les élèves à explorer la complexité de la résilience et du parcours migratoire.
Cristiano Pereira
IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon
Paul Tom, réalisateur montréalais d’origine cambodgienne et fils de réfugiés, est venu à Yellowknife pour présenter deux de ses films et, entre autres, animer des ateliers auprès des élèves des écoles Alain-Saint-Cyr et Saint-Patrick. Sa présence dans la capitale ténoise s’est inscrite dans le cadre des 12 ᵉ Semaine nationale de l’immigration francophone (SNIF), dont les activités aux TNO ont été chapeautées par le Réseau en Immigration francophone (RIFTNO), service incorporé à la Fédération franco-ténoise.

La Semaine nationale de l’immigration francophone (SNIF) est coordonnée au niveau national par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.
Dans un entretien avec Médias ténois, le réalisateur a expliqué que, par son travail cinématographique et éducatif, il aspire à éveiller une conscience plus profonde et une empathie sincère envers les récits d’immigrants.
Depuis douze ans, Paul puise dans « l’intime et le personnel pour raconter des histoires touchantes et authentiques ». Avec sensibilité et bienveillance, il se donne pour mission de « donner la parole à des gens que l’on n’entend pas toujours » et de « créer des espaces de dialogue ». Ses films et ateliers sont une invitation à ouvrir les bras à l’autre, à accueillir la diversité.
Le réalisateur a expliqué que dès le début de ses ateliers il place les élèves dans « une bulle » d’introspection, leur demandant de fermer les yeux et de revivre un souvenir d’enfance en mobilisant leurs cinq sens. Cet exercice, selon lui, est essentiel pour toucher du doigt la « fragilité de la condition humaine ». Comme il le raconte, « les jeunes se rendent compte du côté fragile et c’est là qu’ils éprouvent la tristesse et respectent le fait que le corps se souvient ». Cette approche sensorielle invite les jeunes à se mettre dans la peau d’un réfugié, ressentant ce que signifie perdre un foyer et reconstruire une identité.
Trouver des récits dans l’histoire des gens
Paul Tom trouve une puissance unique dans les récits des jeunes immigrants. À travers son film Bagages, il explore la complexité et la résilience de ces jeunes. L’un de ces témoignages l’a particulièrement marqué, lorsqu’un enfant iranien a dit : « Ce n’est pas moi qui change, c’est la situation qui change. Moi, je reste le même », en montrant une sagesse née de l’expérience migratoire. « Ces jeunes ont tellement à nous apprendre. Ils m’inspirent à trouver la résilience, à trouver le courage », confie le réalisateur, ému par la lucidité de ces enfants.
Son œuvre ne se limite pas à une simple documentation. Paul explique que le cinéma est pour lui un « outil d’exploration de l’identité » et une manière d’ouvrir des dialogues. Ses films, à l’instar d’Un pays de silences et Bagages, constituent une plateforme pour les voix invisibles, les récits méconnus. « Moi, j’aspire juste à un cinéma très honnête, un cinéma de l’intime », dit-il, soulignant que l’objectif de ses films est avant tout de capturer la vérité humaine. Dans ce processus, Paul cherche également des réponses personnelles. « Le cinéma, ça m’aide à explorer mon histoire familiale, mes racines », explique-t-il, révélant que ses œuvres ont été un moyen de se réconcilier avec son propre passé.
L’un des aspects centraux de son discours est l’idée de l’identité multiple et fluide. Pour Paul, l’identité ne se résume pas à une étiquette statique : « On est tellement plusieurs versions de nous-mêmes. On est une addition de toutes ces couches ». Cette multiplicité, il la considère comme une richesse, un concept qu’il transmet avec passion aux jeunes qu’il rencontre. Il prône une vision du monde où « les frontières géographiques, mais aussi les frontières mentales », deviennent perméables, laissant place à l’ouverture et à la tolérance.
Des enjeux de taille
Au-delà de l’art et de la philosophie, Paul Tom aborde des enjeux sociopolitiques. Bien que conscient de la montée de la peur de l’autre dans certaines régions, il espère que le Canada, avec son « passé d’ouverture » et son histoire de terre d’accueil, conserve cet esprit d’hospitalité. Il observe que « nous avons oublié notre devoir d’hospitalité en tant qu’être humain », et il plaide pour que des valeurs comme la gentillesse et l’accueil retrouvent leur place dans la société. « Avoir peur, c’est normal. Mais si on nous donne des outils pour comprendre cette peur, elle s’en va », ajoute-t-il, illustrant son optimisme.
Ses films Seuls et Bagages, sélectionnés dans une quarantaine de festivals à travers le monde et récompensés à dix reprises, témoignent de son engagement à rendre visibles les récits de ceux qui sont souvent ignorés. Paul est aussi l’auteur du roman illustré jeunesse Seuls, qui aborde les thèmes de l’identité et de la résilience. « Mes thèmes de prédilection sont la construction de l’identité, les relations familiales ainsi que tout ce qui touche au côté intime, fragile et précieux de l’être humain », souligne-t-il.
Actuellement, Paul travaille sur un projet intitulé Bulles, un documentaire sur l’univers créatif d’élèves autistes. « C’est un film qui va nous permettre de rentrer dans leur monde, plutôt que de les forcer à venir dans notre monde », explique-t-il, illustrant son désir constant de donner une voix aux groupes souvent négligés. Ce projet s’inscrit dans la continuité de son engagement pour une société inclusive et valorisante de la diversité humaine.
À travers ses ateliers et ses films, Paul Tom poursuit une mission de partage et d’écoute. Sa démarche invite à la fois les jeunes et le public à embrasser la complexité et la beauté de l’identité humaine, à découvrir les autres et à reconnaitre la diversité comme un atout inestimable. Pour lui, l’art devient une passerelle vers un avenir où, peut-être, la question ne sera plus « d’où viens-tu? », mais « où allons-nous ensemble? ».
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