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Denis Lord

Statuquo en mer de Beaufort

Malgré l’annonce conjointe faite en septembre, les États-Unis et le Canada n’ont toujours pas créé leur groupe de travail pour régler le conflit territorial en mer de Beaufort et la conjoncture semble dorénavant moins favorable.


Denis Lord – Arctique 


Le groupe était censé déterminer l’appartenance d’une zone maritime située au nord de l'Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Les négociations devaient commencer cet automne, selon un communiqué publié le 24 septembre. Cependant, le groupe n’est pas encore formé.

« À ce stade, la composition du groupe de travail est encore en cours d'élaboration et aucune décision définitive n'a été prise, écrit le porte-parole d’Affaires mondiales Canada, Jean-Pierre J. Godbout. Le Canada continue de collaborer avec ses homologues américains pour définir la meilleure approche. »

La superficie de l’espace disputé n’est pas encore déterminée, affirme M. Godbout; selon les chercheurs Marine Boulanger et Frédéric Laserre cependant, il s’agit de 21 390 km².





Les républicains pros pétrole


Professeur à l’École nationale d’administration publique (Québec), Stéphane Roussel considère qu’avec le second mandat de Donald Trump, le moment propice de négociation pour le Canada est passé.


« Je ne pense pas que la prochaine administration soit ouverte à ça, commente M. Roussel. Il y a une forte présomption que ce secteur contient d’importantes réserves de pétrole et de gaz. […] Trump, son slogan est Drill, baby drill. S’il y a une demande d’une compagnie américaine, je verrais mal l'administration Trump d'accepter de faire un compromis. L'administration Trump 1ʳᵉ version avait une attitude très dure à l'égard du Canada dans ce qui a trait aux conflits dans l'Arctique, notamment sur le passage du Nord-Ouest. Il était question en 2019 que la marine américaine envoie un navire de guerre traverser le passage pour marquer clairement son désaccord avec la position canadienne. »


Le précédent canado-danois


Pauline Pic, docteure en géographie et codirectrice de l’ouvrage L’Arctique et le système international n’est pas surprise du retard pris dans la formation du groupe de travail.


« Ce sera intéressant de voir qui le constituera - et s'il sera constitué avant la prise de fonction de l'administration Trump », avance-t-elle.  « Il est possible que l'élection de Trump soit un défi pour le règlement de cette frontière, puisqu'il a des projets ambitieux pour l'Arctique. […] Les discours de Trump relatifs à l'Arctique insistent beaucoup sur les enjeux énergétiques. Néanmoins, sa tentative d'ouverture de l'Arctique au forage lors de sa précédente administration s'était soldée par un échec et ce contexte n'a pas changé. »


Mme Pic souligne que l’annonce de la tentative de conciliation fait suite au règlement de la question frontalière entre le Danemark et le Canada en 2022, qui privilégiait le mode diplomatique pour les questions frontalières en Arctique, et réfère comme lui au plateau continental comme élément juridique.


Visions antagonistes


M. Roussel, qui est également membre de l’Observatoire de la politique et la sécurité de l’Arctique, rappelle que Canadiens et Américains diffèrent sur la règle qui doit s’appliquer. « Les Canadiens voudraient simplement prolonger la ligne de frontière terrestre dans la zone maritime par une ligne droite et les Américains disent qu’en droit international les frontières maritimes doivent partir à 90 degrés de la côte », résume-t-il.


Il reste, considère Stéphane Roussel, qu’en attendant un règlement entre les deux pays, les compagnies d’assurances seront réticentes à couvrir des activités d’exploitation ou même d’exploration dans cette zone et que ces activités elles-mêmes demeurent pour l’instant très théoriques étant donné leurs couts élevés.


Il reste trois conflits frontaliers à régler en Arctique rappelle le chercheur : celui-ci sur la mer de Beaufort, le statut légal du passage du Nord-Ouest et la question du plateau continental.


Les États-Unis ont récemment créé le poste d’ambassadeur extraordinaire pour les affaires arctiques; la nomination de Michael Sfraga comme premier tenant du poste a été confirmée par le Sémat le 24 septembre dernier.


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