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Sans-abris à Yellowknife : un cri pour le changement

Un sans-abri parle à Médias Ténois de la vie dans les tentes au centre ville de Yellowknife. Et il appelle à un changement véritable, pas juste un pansement.


Cristiano Pereira - IJL 


Nous ne pouvons pas fermer les yeux et prétendre que cela n’existe pas, l'image est bien réelle : au bout de la rue 51, en plein cœur de Yellowknife, une vingtaine de tentes ont été dressées dans un parking. Là, des dizaines de personnes vivent sans la chance d'avoir une maison décente. 


Les sans-abri de Yellowknife s'unissent et rendent visible leur lutte pour un logement digne. Photo: Cristiano Pereira

Ce sont les sans-abri de Yellowknife, autrefois dispersés et presque invisibles, mais désormais rassemblés et plus visibles. Les tentes, couvertes de bâches et de plastiques, sont installées aux extrémités de cet espace asphalté. Au centre, se trouve un ensemble hétéroclite de palettes en bois et un barbecue portatif. Dans un coin, un auvent est transformé en garde-manger pour les denrées possibles : une caisse de haricots et de conserves offertes par quelqu'un. Dans un autre coin, trois toilettes portables. « Nous avons besoin d'eau », nous dit un des hommes.

 

Au fond, dans l'une des tentes, Michael, âgé de plus de 50 ans, caresse Smudge, son chien. Il accepte de parler à Médias Ténois.


Qu'est-ce qui vous a amené à cette situation ? 

Eh bien, j'ai juste rencontré tout le monde au stationnement. On a commencé à se connaître et tout ça. Boire et fumer ensemble, faire des trucs comme ça. On est tous devenus amis, tu vois ce que je veux dire ? On s'entraide. Tout le monde se donne un petit coup de pouce. Ça marche pour nous. On a de la nourriture et des trucs pour chacun. Certains d'entre nous ont faim et ils reçoivent de l'aide. Certains d'entre nous sont tristes, tu sais, et il y a toujours quelqu'un ici.


Michael et son fidèle compagnon, Smudge, partagent un moment de tendresse dans les conditions difficiles du campement. Photo: Cristiano Pereira

Avez-vous une idée du nombre de personnes qui vivent ici en ce moment ?On n'a nulle part où vivre, buddy. Il y a des gens partout. On a des gens dans la brousse en ce moment. Ils y sont depuis quelques années. Certains viennent ici de l'extérieur, ils n'ont nulle part où aller, il n'y a pas de logement. Le coût du logement ici est deux fois plus élevé que celui du Sud ou de n'importe où ailleurs. Et pour tout type de logement disponible, il y a une liste d'attente, et certaines personnes y sont depuis des années. Personnellement, j'ai eu une occasion d'avoir un logement, mais ils ne voulaient pas de mon chien. Alors ma conjointe et moi avons décidé de ne pas l'abandonner. Il est comme notre famille. On avait tous les deux un endroit sympa pour rester sur Big low Crescent.


Comment faites-vous ici pour manger ? Y a-t-il une sorte d'aide ou des gens qui apportent de la nourriture ici ?Être ici ensemble, les gens nous voient évidemment. Et ils savent que tous ces gens sont sans abri. Ils se disent « Attends une minute, ils ont besoin de nourriture » et des choses comme ça, non ? Ils savent qu'on a faim. Ils savent qu'on n'a pas de boulot. On pourrait se lever et aller chercher un boulot. Mais si on va à un entretien et qu'ils demandent « Où habites-tu ? ». Eh bien, je n'ai pas de maison. Ils demandent ce qu'on fait avec ceci ou cela. On est mal vus. Mais certains de ces gars trouvent du travail grâce à des gens vraiment généreux, tu sais. Et maintenant on a de la nourriture parce que les gens veulent aider. Maintenant qu'ils nous voient, les gens veulent s'assurer qu'on ne meurt pas de faim sous leurs yeux. Dans la brousse, en coulisses, si nous n'étions pas là, ils ne le verraient pas. Ce serait balayé sous le tapis. Ce serait caché. Et ils seraient contents de ça. Mais maintenant qu'on est ici, ils commencent à réaliser qu'il y a un problème. Le corps de Yellowknife a un problème. On a une partie du corps qui est malade. Si tu as un pied douloureux, des mains douloureuses ou quoi que ce soit de ce genre, que fais-tu ? Tu en prends soin. Tout s'arrête jusqu'à ce que tu soignes cette partie du corps. Ça se casse, tu dois le guérir. Donc ils prennent conscience que ça se passe.



Les tentes abritent des histoires de survie et de solidarité, bien que précaires et souvent ignorées. Photo: Cristiano Pereira


Est-ce que des gens du gouvernement viennent ici pour parler avec vous, essayer de comprendre quel genre d'aide vous avez besoin ?On a l'IEC. Je ne sais même pas exactement quoi c'est.


(NR - la réponse a été interrompue par une femme du camp qui crie à une voiture qui passait en regardant les tentes, et Michael change de raisonnement pour commenter la situation)


Tu vois, on a des gens qui viennent ici, des gens qui tournent autour, qui nous regardent de haut. L’attitude. Parfois ils disent des trucs, et parfois ils balancent des trucs. Certains nous disent « Ah, j'ai une maison, toi tu vis dans un tank ! », tu sais ? C'est une réalité. On doit gérer ça. C'est juste une question de garder la face et de s'y tenir, non ?


Est-ce que vous êtes tous amis ici ? L'atmosphère est-elle sûre et amicale ?On partage le même sol. Ouais. On est sur le même terrain depuis toujours. On est tous ensemble, certains d'entre nous étaient ennemis au début. On se confronte, on commence une embrouille, on se bat. Ça devient bruyant, ça devient fou. Après un jour ou deux, tu es toujours là, tu te regardes encore. Ensuite, tu sais, on partage la nourriture, tu te nourris les uns les autres, et tu deviens ami. Après tout, on passe tous par la même chose. Mais ce qui se passe derrière des portes closes, c'est exactement ce qui se passe ici. La seule différence, c'est cette porte fermée. Les gens peuvent fermer leur porte et ils ne sauront jamais qu'ils traversent ce que nous traversons. En fait, nous exposons ce qu'ils traversent. C'est la même chose. On est en colère, on crie, on hurle, on a des problèmes. Ouais, on se bat. Parfois ça devient grave. Mais c'est comme derrière des portes closes. Alors quelle est la différence vraiment ? Et ils essaient de nous intimider, tu sais, de nous faire passer pour les inférieurs, alors qu'en réalité nous sommes les supérieurs, simplement parce qu'on peut vivre sans cette sécurité. Et ça les rend fous, parce qu'ils doivent avoir cette sécurité. Ils doivent l'avoir, mais nous, on est ceux qui vivent sans cette sécurité. Juste devant leurs yeux.


Quel message voulez-vous adresser aux habitants de Yellowknife, au gouvernement ou aux autorités ?Ces gens ont tout ce qu'ils veulent. Nous, on veut ce dont on a besoin, c'est tout. Bien sûr, on veut du change, bien sûr, on veut de l'argent, c'est une solution rapide pour nous. On achète de l'alcool et on se saoule ce soir-là parce que la journée a été dure. Mais, au final, ce dont nous n'avons pas besoin, c'est du change (NR - au sens de petite monnaie, pièces). Mais ce dont nous avons besoin en fin de compte, c'est du changement. (NR - au sens de changer la situation, un nouveau paradigme). Ironique, non ?


Vous avez besoin de changement, d'un changement de situation, de système. Vous n'avez pas besoin du change, des pièces, du cash. C'est bien ça ?

Ouais. L'argent est la seule solution dans cette situation parce qu'au fond, on ne peut pas se permettre de vivre comme des rois et des reines. On ne peut même pas se permettre de louer un appartement. Qu'en est-il des chambres ? Pourquoi ne pas construire des bâtiments avec des chambres ? Pourquoi pas ? Des salles de bain, tout ça. Un truc bon marché, abordable, comme ça. Là où tu as une porte avec une serrure. Tu vois une photo de ta famille au mur. C'est sûr là. Personne ne va l'enlever, tu vois ?

Qu'est-ce qui vous donne de l'espoir dans cette situation ?Les uns les autres, je suppose. Parfois non, on n'a pas d'espoir, on reste au lit toute la journée. On ne veut pas se lever, on ne veut pas sortir, on ne veut pas se battre. On ne veut pas de cette lutte quotidienne. Se réveiller et essayer d'être, tu sais, quelque chose que personne d'autre ne veut qu'on soit. Eh bien, regarde ces gens. Le logement est un droit humain. Nous sommes tous des êtres humains à 100%. C'est ce que je veux que le monde comprenne. Nous, le peuple. Nous, Yellowknife. C'est notre problème. C'est le problème de Yellowknife. Ce n'est pas à propos d'eux, c'est à propos de nous, comme une seule famille, une seule ville. On ne veut pas d'un putain de pansement, on veut du changement, on veut du logement disponible, du logement abordable. On a des bâtiments vides juste là. Ils sont pour les militaires. Des milliards et des millions de dollars y sont investis. L'électricité est allumée. Le chauffage est allumé. Toute l'année. Pourtant, les gens gèlent. Ouais. En ce moment, c'est ce qu'on voit. Et on voit l’hiver qui s’annonce. 



LEGENDES DES PHOTOS:

1 - (Pour la grande photo de lui dans sa tente avec son chien) : Michael et son fidèle compagnon, Smudge, partagent un moment de tendresse dans les conditions difficiles du campement. (Photo Cristiano Pereira)


2 -(Pour la photo de tente avec chaise roulante) :  Les tentes abritent des histoires de survie et de solidarité, bien que précaires et souvent ignorées. (Photo Cristiano Pereira)


3 - (pour la photo en bas ou on voit l’affiche): Les sans-abri de Yellowknife s'unissent et rendent visible leur lutte pour un logement digne. (Photo Cristiano Pereira)


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