Perquisition d’un camp autochtone : le GTNO sommé de présenter des excuses
Le député de Tu Nedhé-Wiilideh juge que l’évènement pourrait provoquer un important recul dans les relations entre le gouvernement territorial et les groupes autochtones du territoire.
Thomas Ethier – IJL Réseau.Presse – L’Aquilon
Les élus de la Nation dénée, de la circonscription de Tu Nedhé-Wiilideh et de la Première Nation des Dénés Lutsel K’e exigent d’une même voix des excuses officielles de la part du gouvernement territorial, après une récente opération des agents de la faune dans un camp culturel autochtone. Le chef national de la Nation dénée, Gerald Antoine, réclame également la démission des autorités responsables de l’opération.
Le 13 septembre 2022, munis d’un mandat de perquisition, les agents sont arrivés par hélicoptère sur le site, à environ 150 km de la collectivité de Lutsel K’e. Ces derniers auraient indiqué aux occupants que des activités de chasse illégales auraient été observées « dans la zone protégée du caribou Bathurst », à proximité du camp, selon ce que rapporte la Nation dénée dans un communiqué de presse.
Les occupants auraient été avertis que les agents emploieraient la force si nécessaire, et que toutes personnes interférant avec l’opération seraient accusées d’entrave à la justice. Environ 80 personnes étaient sur place, incluant plusieurs ainés et enfants, indique-t-on. Les agents auraient fouillé toutes les cabanes, tentes et tipis du camp, incluant celles des enfants, ainsi que les effets personnels des occupants. L’opération aurait duré environ quatre heures.
Les occupants du camp culturel situé aux abords du lac de l’Artillerie ont été surpris par une descente effectuée par deux agents de la faune. L’évènement a été rapporté en images sur Facebook par Iris Catholique. (Crédit photo : Facebook – Iris Catholique)
Le gouvernement des TNO a annoncé au média Cabin Radio, le 23 septembre, qu’une révision de l’opération sera menée par un tiers parti indépendant. Les élus autochtones avaient réclamé, quelques jours plus tôt, une enquête indépendante sur l’opération.
Des relations compromises
La directrice de Thaidene Nëné pour la Première Nation, Iris Catholique, qualifie l’évènement de « sérieux recul des relations entre la Première Nation Lutsel K’e et le gouvernement territorial. »
« Ce type de tactiques nous rappellent la façon dont notre peuple était jadis persécuté par les agents de la faune parce qu’ils pratiquaient leur mode de vie, déplore-t-elle, au nom de la Première Nation. Durant cette fouille, tente par tente, des enfants pleuraient et des ainés étaient traumatisés. Nous ne pouvons accepter ces gestes en 2022 ».
Le chef de la Nation dénée, Gerald Antoine, a réclamé « la démission immédiate des personnes qui ont dirigé et appuyé l’opération ». « Ces évènements démontrent un manque flagrant de respect et de reconnaissance des droits inhérents des Dénés, issus des traités, et constituent un sérieux recul dans nos efforts continus d’engagement vers une réconciliation significative », a-t-il déclaré par communiqué de presse.
« Cet évènement fut extrêmement éprouvant pour les ainés qui ont vécu une époque où l’on craignait les agents de la faune, avant que les protections constitutionnelles des droits autochtones ne soient mises en œuvre dans la loi canadienne », souligne-t-il.
M. Antoine rapporte également le témoignage de l’un des membres du camp. « Je ne me suis jamais senti aussi insignifiant de toute ma vie, et d’autres personnes ont ressenti la même chose », aurait confié l’occupant.
Recours aux lois
L’enjeu pourrait être porté à l’Assemblée législative des TNO. Le député de Tu Nedhé-Wiilideh, Richard Edjericon, a également réclamé des excuses de la part du ministre Shane Thompson, qu’il aura l’occasion de tenir responsable de l’évènement lors du retour en chambre, en octobre. « Si le ministre ne veut pas redresser ce tort, il court le risque de voir les relations avec les groupes autochtones reculer de 150 ans », déclare-t-il dans un communiqué publié sur Facebook.
Le député compte invoquer la loi sur la Faune des TNO et la Charte canadienne des droits et libertés. « Tous ont droit d’être protégés contre des fouilles et perquisitions déraisonnables. Ce qui s’est produit au camp Timber Bay était une grossière violation de ces droits », déplore-t-il, en parlant d’un « abus scandaleux de l’autorité gouvernementale ».
« Selon notre loi sur la Faune, les tentes sont définies comme des “lieux d’habitation”, tout comme une maison. En tant que Dénés, lorsque nous nous trouvons sur nos terres, nos tentes sont nos maisons – et nous avons droit à la même vie privée, à la même dignité et au même respect auquel tous les canadiens s’attendent dans leur maison », indique-t-il.
« La charte des droits et libertés du Canada et la loi sur la Faune exigent toutes deux que les agents satisfassent à des normes très élevées pour obtenir le mandat de perquisition permettant de fouiller un lieu d’habitation », ajoute M. Edjericon.
L’enquête des agents de la faune découlerait de deux plaintes formulées par des membres du public. Une dizaine de caribous ont été chassés illégalement dans la zone protégée, selon le ministère, et de la viande gaspillée a été retrouvée sur place.
Iris Catholique a réitéré la volonté de la Première Nation Déné Lutsel K’e de poursuivre sa collaboration avec le gouvernement des TNO pour freiner le déclin des hardes de caribou Bathurst, dont la population a diminué d’environ 98 % ces vingt dernières années. La Première Nation a mis en place sa stratégie de gestion des caribous en 2020.
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