Il était une fois dans L’Aquilon, l’histoire du Projet gazier du Mackenzie
Dans les années 1970, le Canada projette la construction d’un gazoduc de 1196 km aux Territoires du Nord-Ouest pour acheminer au Sud du gaz naturel provenant des gisements du delta du Mackenzie. Bâtir un gazoduc dans la vallée du Mackenzie est complexe : couts de construction exorbitants, revendications territoriales des peuples autochtones le long du tracé du gazoduc et multiples conséquences environnementales anticipées. Des décennies de débat plus tard, le projet sera finalement abandonné en 2019.
Marine Lobrieau
La vallée du Mackenzie est une terre ancestrale et un lieu privilégié des chasseurs dénés et autochtones, comme en témoigne Alain Bessette, le directeur de L’Aquilon en 1992.
En 1977, une commission royale fédérale avec à sa tête le juge Thomas Berger est créée pour évaluer les propositions des différentes sociétés gazières, tout en mettant celles-ci en perspectives avec d’éventuels impacts environnementaux, culturels et socioéconomiques dans le Nord. Le juge compile les revendications territoriales des peuples autochtones des TNO et écrit dans son compte-rendu : « Tout indique que, plus la société industrielle repousse les terres ancestrales du Nord, plus il y a de malaises sociaux.
« Combinées aux problèmes actuels dans la vallée du Mackenzie et dans l’Arctique de l’Ouest, les répercussions sociales du pipeline seront non seulement sérieuses, mais dévastatrices. »
Le juge Berger ayant prévu un moratoire de 10 ans pour trouver une entente, le processus de règlement des revendications territoriales se poursuit jusque dans les années 1990.
Longue route versl’Aboriginal Pipeline Group
Les Inuvialuits sont les premiers à signer un accord sur leurs revendications territoriales en 1984.
En 1992, les Gwich’ins concluent une entente historique avec le gouvernement canadien et « deviennent maitres de leurs terres ».
Bien que les négociations aient été « difficiles », le président du conseil tribal des Gwich’ins, William Hagen, se réjouit de cette entente historique : « Notre peuple dispose maintenant d’un fondement solide pour appuyer son développement futur. »
L’année suivante, les revendications territoriales des Dénés et Métis du Sahtu sont elles aussi conclues.
En 2001, tous les groupes autochtones de la vallée du Mackenzie – sauf les Dehcho, qui n’ont pas d’entente de revendications territoriales – s’allient au sein d’une entité pour défendre leurs intérêts : l’Aboriginal Pipeline Group. Les Premières Nations entament leur troisième rencontre entre chefs. À cette occasion, le premier ministre Kakfwi appuie le projet.
En décembre 2003, c’est la création du Secrétariat de projet du gaz du nord par le gouvernement fédéral. Celui-ci est chargé d’aider les organismes « responsables de l’évaluation environnementale et règlementaire à faire leur travail ».
Dix mois plus tard, la Commission d’examen conjoint est chargée d’évaluer les impacts environnementaux et sociaux du projet.
Des recommandations aux mobilisations
En préparation des audiences publiques, une mobilisation contre la construction du gazoduc s’organise. C’est lors du Jour de la Terre en 2005 qu’Elizabeth May, alors présidente du Sierra Club du Canada, lance officiellement sa campagne contre le gazoduc : le « Mackenzie wild ». Toujours en 2005, les différentes parties campent sur leurs positions. « Les ONG questionnent. Le Canada opine. Le Deh Cho fulmine. La Commission tranchera », écrit le reporter Batiste Foisy.
L’année 2006 est ponctuée par divers évènements. En janvier débutent les audiences publiques de l’Office national de l’énergie. En aout, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, se prononce en faveur du projet Mackenzie. Au cours des mois suivants, L’Aquilon retranscrit les différentes interventions des organismes environnementaux comme celles du groupe Ecology North. La fondation tente de démontrer que l’installation du gazoduc pourrait doubler l’émission des gaz à effet de serre aux TNO et se prononce pour un projet « vert » dans l’éventualité où le projet venait à se concrétiser. En 2007, la 7e conférence annuelle Inuvik Petroleum Show est organisée, au cours de laquelle plusieurs conférenciers se succèdent pour partager le travail et les rapports menés durant les 40 dernières années à propos du gazoduc.
« Plusieurs conférenciers ont parlé de la préparation à l’arrivée du gazoduc, du point de vue de la formation de la main-d’œuvre, de l’impact social et de la préparation pour les entreprises du Nord et les communautés en général », détaille la journaliste Rachelle Kingsler.
Des Franco-Ténois se mobilisent également contre le projet. En 2010, la réalisatrice France Benoît boucle son film engagé sur ce sujet : Au pays du fleuve Mackenzie, destiné en partie à alerter la population des conséquences de la réalisation du gazoduc.
« Il y a un aspect spirituel, environnemental et culturel à l’utilisation du territoire de cette façon-là », réagit-elle à propos du gazoduc et des revendications autochtones. En 2011, L’Aquilon retrace l’intégralité des évènements dans un dossier spécial consacré au projet.
Après des décennies de négociations, le consortium du projet gazier Mackenzie est dissout et le projet énergétique le plus onéreux du Canada est abandonné en 2017. Néanmoins, le permis pour construire le gazoduc reste valable jusqu’en 2022.
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