D’un jardin près de chez vous
L’année 2022 n’aura pas été la meilleure pour le Marché fermier de Yellowknife, sauf pour la table des récoltes où des produits d’amateurs de jardinage se sont retrouvés dans bien des assiettes.
Si moins de ventes ont été réalisées qu’en 2021 et que moins de visiteurs se sont déplacés au Marché fermier de 2022, les revenus de la table des récoltes, eux, ont bondi. (Crédit photo : Marie-Soleil Desautels)
C’est la première fois en deux ans que le marché fermier s’est tenu sans restrictions sanitaires à cause de la pandémie de COVID-19. Si moins de ventes y ont été réalisées qu’en 2021 et que moins de visiteurs s’y sont déplacés, les revenus de la table des récoltes, eux, ont bondi. Plusieurs nouveaux vendeurs ont également fait leurs dents au marché. Bilan.
« La table des récoltes a connu un grand succès cette année », peut-on lire dans le rapport annuel du Marché fermier de Yellowknife, partagé le 23 novembre dernier lors de l’Assemblée générale annuelle. Tous les Yellowknifiens peuvent vendre à cette table, faire vendre ou donner des produits qu’ils ont eux-mêmes cultivés dans leur jardin. Revenus totaux grâce à celle-ci ? Plus de 5000 $, soit trois fois plus qu’en 2021.
En tout, 225 kg de produits frais y ont trouvé preneurs grâce à 28 amateurs de jardinage qui y ont apporté des pommes de terre, des tomates, des zucchinis ou du kale, par exemple, et à trois sites cultivés par un employé du Marché. Le Marché, qui s’est tenu du 7 juin au 13 septembre au parc Somba K’e, s’est occupé de vendre le tout et a versé 75 % des recettes aux producteurs. Deux autres femmes y ont aussi vendu elles-mêmes leurs produits et ont conservé 90 % des revenus.
Un peu plus de 3000 $ ont ainsi été remis aux jardiniers et le reste a été empoché par le Marché fermier, une société à but non lucratif qui a commencé ses activités en 2013.
« On a reçu de bons échos de gens qui y ont vendu des produits, dit l’agricultrice France Benoit, qui siège au conseil d’administration du Marché fermier de Yellowknife. Lorsqu’on a remis un chèque d’une cinquantaine de dollars à une personne qui avait apporté du kale plusieurs fois au marché, elle était tout étonnée de réaliser que ça valait autant ! Autrement, elle l’aurait mis au compost ou donné. »
La membre du conseil d’administration se réjouit du succès de la table des récoltes. « On va pouvoir réinvestir dans le projet pour continuer l’an prochain », dit-elle.
Parmi les nouveautés de l’été, il y avait ce poste d’ange de jardin, dont le rôle original consistait à faciliter la vie de ceux qui désiraient fournir des produits frais, par exemple, en les ramassant, en les lavant et en les préparant à la revente. Si celui-ci en a récolté à l’occasion chez les amateurs de jardinage partis en vacances, il était surtout occupé à cultiver les quelque 1500 pieds carrés de trois parcelles de terre prêtées au Marché durant l’été. Deux sites ont été offerts par des particuliers et un autre, des platebandes, par l’école Mildred Hall.
« On a décidé de changer les tâches de l’ange de jardin et de cultiver ces sites, qui étaient tous au centre-ville, parce que c’était intéressant au niveau du volume, continue France Benoit. Et c’est ça, le but ultime, d’avoir beaucoup de volume de production ».
L’ange de jardin a couté quelque 6000 $ pour 240 heures de travail, calcule l’agricultrice, alors que 75 heures avaient été initialement prévues. Elle estime que l’ange de jardin a couté environ trois fois plus que ce qui est resté dans les poches du Marché grâce à la table des récoltes, et c’est sans compter le travail du coordonnateur à celle-ci.
« On a dépensé plus avec la table des récoltes qu’on a eu de revenu, rapporte-t-elle. Mais le but de l’exercice, c’est d’apporter plus de production maraichère locale pour la communauté. Ça, ç’a été un succès. Autant les consommateurs que les producteurs sont contents des retombées. »
Le Marché fermier a d’ailleurs dû faire de la publicité auprès des consommateurs durant l’été, car l’offre est devenue plus élevée que la demande.
Le Marché, qui s’est tenu du 7 juin au 13 septembre au parc Somba K’e, s’est occupé de vendre le tout et a versé 75 % des recettes aux producteurs.
(Crédit photo : Marie-Soleil Desautels)
Plein de nouveaux vendeurs
La moitié des 46 vendeurs au marché qui avaient un étal étaient nouveaux cet été. Comme la plupart y testaient leurs produits, ils n’ont pas nécessairement fait acte de présence lors de chacune des 15 semaines d’ouverture, ce qui a tiré vers le bas les revenus du Marché fermier de Yellowknife. En moyenne, 22 vendeurs par semaine s’y sont déplacés.
Le total des ventes brutes de cet été, d’environ 130 000 $, est ainsi en baisse de près de 40 000 $ par rapport à 2021. Mais les ventes sont « probablement plus hautes que ça », affirme France Benoit. Les vendeurs doivent en effet les rapporter, anonymement, et certains ne le font pas. « On va devoir améliorer ça l’année prochaine, qu’ils comprennent mieux l’importance de le faire, dit-elle, car ça permet de démontrer les retombées économiques du marché. »
Autre facteur qui a diminué les ventes : les vacances. « C’était une période de transition, car beaucoup de gens sont partis en voyage pour la première fois depuis la pandémie », explique la membre du conseil d’administration. Le nombre de visiteurs a été moindre cet été qu’en 2021, soit quelque 7800 personnes au lieu de 9400.
Malgré ces chiffres, qui peuvent paraitre décevants, le fait qu’il y ait autant de nouveaux vendeurs est « très positif », juge France Benoit. « Ça démontre un intérêt et ça augure bien pour le futur », dit-elle.
En moyenne, 22 vendeurs par semaine se sont déplacés au marché. en 2022. (Crédit photo : Marie-Soleil Desautels)
L’an prochain ?
Le conseil d’administration du Marché fermier planche déjà sur l’édition de l’année prochaine, mais la majorité des questions restent à répondre.
« L’un de nos objectifs, c’est le développement économique, mais il y a aussi le pendant de sécurité alimentaire où on veut augmenter la production maraichère locale, dit France Benoit. Comment peut-on faire ça ? Est-ce que ça vaut vraiment la peine de cultiver les sites de jardinage s’ils sont encore offerts ? Est-ce qu’on aura du financement gouvernemental ? Il faut regarder tout ça. »
Le Marché fermier de Yellowknife a obtenu six subventions en 2022, pour un total d’environ 87 000 $, peut-on lire dans le rapport annuel. Cet argent a financé les opérations en été, la table des récoltes, un manuel éducatif, les postes d’ange de jardin et de coach de jardinage et, entre autres, un programme où des artistes ont pu performer et des projets visant à fournir de la nourriture à ceux dans le besoin.
Le plus gros défi, pour 2023, serait d’arriver à un équilibre entre les producteurs et les consommateurs afin qu’il n’y ait plus d’invendus, avance l’agricultrice France Benoit. « Il y a beaucoup de gens qui font du jardinage à Yellowknife. C’est facile de les inspirer à apporter de leurs légumes, surtout quand on leur fait miroiter des revenus. Là, il faut encore plus faire comprendre aux gens l’importance de manger local et de soutenir les producteurs maraichers d’ici. »
« On est capable de faire pousser des produits frais à grand volume à Yellowknife et il faut le faire, continue-t-elle. On est dans une crise alimentaire qui ne va pas se résoudre de sitôt et, avec les changements climatiques, le plus qu’on peut faire pousser à côté de chez nous, le mieux c’est ! »
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