2024 : une année de records dans un Arctique de plus en plus chaud
L’année 2024 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, au niveau mondial. Au Canada, le réchauffement se fait de plus en plus sentir, car, selon les données d’Environnement et Changement climatiques Canada (ECC), le pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Le Nord est particulièrement touché, ce qui entraine des phénomènes météorologiques extrêmes à la fois très fréquents et intenses.
Nelly Guidici
Le Nunavut se réchauffe
Les données recueillies par les différentes stations d’ECC indiquent que cinq communautés sont particulièrement touchées par ce réchauffement. Les températures moyennes de l’automne 2024 à Baker Lake, Rankin Inlet, Gjoa Haven, Cambridge Bay et Resolute sont très au-dessus des normales de saison. Ces données relevées en septembre, octobre et novembre 2024 montrent des valeurs au-dessus des normales de plus de cinq degrés.
La communauté de Gjoa Haven détient le palmarès avec une température moyenne relevée de -3,6 °C alors que la normale est de -10,6 °C, ce qui fait une différence de sept degrés.
« L’extrême nord et l’extrême sud sont en train de se réchauffer disproportionnellement par rapport au reste de la planète. Les territoires et l’archipel arctique, qui couvre la majeure partie du Nunavut et une partie des Territoires du Nord-Ouest, se réchauffent quatre fois plus vite que la moyenne globale », explique Armel Castellan, météorologue au bureau de Victoria a Environnement Changement climatique Canada.
Anomalies des températures dans les territoires
À l’automne 2023, des températures anormalement élevées avaient été relevées par ECC Canada durant les mois de septembre, octobre et novembre. Le Nunavut, les TNO et le Yukon, ainsi que l’extrême nord-ouest du Nunavik ont fait face à des vagues de chaleur avec notamment des températures situées 4 degrés au-dessus de la normale dans la partie nord-ouest du Nunavut. Yellowknife était également dans le rouge avec une moyenne des températures 3,5 degrés au-dessus de la normale.
Les relevés de l’automne 2024 montrent que tout le territoire du Nunavut est touché par des anomalies de températures oscillant entre + 2 et + 4 degrés au-dessus des normales. Le Nunavik a également été frappé par ces anomalies de température.
Cependant, l’effet inverse s’est produit dans le sud du Yukon ou des températures plus fraiches ont été enregistrées.
M. Castellan remarque que, cette année, « le Nunavut est à nouveau l’épicentre des anomalies de température automnales. Les Territoires du Nord-Ouest étaient nettement plus proches de la normale cet automne ».
Des records battus dans les TNO durant l’été
Deux records ont été battus durant l’été 2024. Les communautés de Fort McPherson, Inuvik et Paulatuk ont connu les températures les plus chaudes jamais enregistrées. Les 6, 7 et 8 aout, les températures ont dépassé les 30 °C, soit plus de 10 °C de plus que la normale pour cette période de l’année à Inuvik.
Le 7 aout, la température a atteint 33,1 °C à Aklavik, et le 8 aout, un nouveau record de température maximale a été enregistré à Fort McPherson pour la troisième journée consécutive, avec 35,1 °C. Sur les rives sud de l’océan Arctique, la communauté inuvialuite de Paulatuk a connu une température record de 31 °C le 8 aout.
D’autres communautés ont été très près de battre leurs records de température de tous les temps, notamment Yellowknife. Avec un record historique de 32,6 °C établi en 2021, il a fait 32,2 °C le 17 juillet 2024, « ce qui en fait leur troisième température la plus chaude jamais enregistrée », explique M. Castellan.
La communauté de Tulita a atteint une température maximale de 34,6 °C le 8 aout, tandis que Fort Good Hope a enregistré des records historiques de température maximale pendant trois jours consécutifs, du 7 au 9 aout, la température atteignant 37,0 °C le 9 aout 2024.
Cette vague de chaleur aux TNO fait partie des dix phénomènes météorologiques les plus marquants au Canada en 2024. Environnement et Changement climatique Canada rappelle, dans une annonce du 10 décembre 2024, que la chaleur extrême a augmenté le risque d’incendie et sur les 5,3 millions d’hectares de forêts qui ont brulé au Canada en 2024, près d’un tiers a brulé dans les TNO, soit environ 1,7 million d’hectares.
Le réchauffement continu de l’Arctique
Dans son dernier rapport sur le climat rendu public le 11 novembre 2024, l’organisation météorologique mondiale, institution spécialisée des Nations Unies, sonne une nouvelle fois la sonnette d’alarme. En plus d’annoncer que les dix dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées, elle indique que la disparition des glaciers s’accélère.
« La disparition des glaciers s’aggrave. En 2023, les glaciers ont perdu 1,2 m d’équivalent en eau de la glace, soit environ cinq fois la quantité d’eau contenue dans la mer Morte. Il s’agit de la perte la plus importante depuis le début des mesures, en 1953. Ce record est dû à une fonte extrême en Amérique du Nord et en Europe », peut-on notamment lire dans le rapport.
L’étendue des glaces de mer de l’Antarctique et de l’Arctique ont toute deux étés bien inférieures à la moyenne en 2024. De son côté, le programme européen Copernicus a aussi révélé qu’aux mois d’octobre 2024, la glace de mer arctique a atteint sa quatrième étendue mensuelle la plus faible en étant 19 % en dessous de la moyenne. La mer de Barents, l’archipel arctique canadien et la région du Svalbard sont particulièrement touchés par ce phénomène.
Pour Samantha Burgess, directrice adjointe du service changement climatique du programme, « il est maintenant pratiquement certain que 2024 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée et la première année à dépasser de plus de 1,5 °C les niveaux préindustriels ».
Ce constat ne signifie pas pour autant que les Accords de Paris ont été rompus, mais qu’une action climatique ambitieuse est plus urgente que jamais, selon elle.
D’après Environnement et Changement climatique Canada, le moment est critique, car ces vagues de chaleur frappent avec une intensité particulière l’Arctique canadien, qui se réchauffe environ trois fois plus vite que la moyenne mondiale, entrainant des répercussions importantes dans les communautés locales. Fin novembre 2024, la route Nord du passage du Nord-Ouest a connu sa plus faible couverture de glace jamais enregistrée, devenant presque totalement libre de glace.
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